E-réputation : Le droit à l’image, un droit fondamental

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Dans cet article, nous allons explorer en détail le droit à l’image qui est un droit fondamental dans notre société numérique actuelle. Nous verrons ensemble sa définition, ses fondements juridiques, les conditions de son atteinte et les exceptions existantes. Nous analyserons également sa protection dans les lieux publics et privés, ainsi que les recours possibles en cas d’atteinte à ce droit. Puis, nous aborderons l’évolution de ce droit crucial à l’ère du numérique, avec notamment l’émergence du droit à l’oubli numérique. Enfin, nous vous donnerons des conseils pratiques pour effacer vos données personnelles des moteurs de recherche et maîtriser ainsi votre e-réputation.

Définition et fondements du droit à l’image

Le droit à l’image est le droit exclusif dont dispose chaque personne de s’opposer à la reproduction et à la diffusion de son image sans son consentement. Il permet de protéger l’utilisation commerciale ou non de sa propre image. Bien qu’aucun texte juridique ne consacre spécifiquement ce droit, il découle de l’article 9 du Code civil sur le droit au respect de la vie privée et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La jurisprudence a progressivement façonné les contours de ce droit en établissant qu’il s’applique à toute représentation visuelle identifiable d’une personne, qu’il s’agisse d’une photo, d’une vidéo ou même d’une sculpture. L’image doit permettre d’identifier la personne, soit par ses traits physionomiques reconnaissables, soit par d’autres éléments comme un tatouage par exemple. Elle doit également être isolée de son contexte initial.

Les atteintes au droit à l’image peuvent prendre diverses formes : publication dans la presse, affichage publicitaire, diffusion sur internet, etc. Les supports sont variés : magazines, sites web, réseaux sociaux, émissions de télévision, jeux vidéo, etc.

Un droit complexe à appréhender

Bien que fondamental, le droit à l’image n’est pas absolu. Il doit être concilié avec d’autres principes comme la liberté d’expression et le droit à l’information. Ainsi, l’image d’une personne peut être diffusée sans son consentement si elle présente un intérêt légitime pour le public. C’est le cas pour les personnalités publiques dans l’exercice de leur fonction ou à l’occasion d’événements d’actualité et d’intérêt général.

Néanmoins, la frontière est parfois mince entre information légitime du public et atteinte abusive au droit à l’image, notamment concernant les célébrités. La jurisprudence évalue au cas par cas l’existence d’un lien direct entre l’image utilisée et l’information relayée pour apprécier le caractère licite de la diffusion.

Les conditions d’atteinte au droit à l’image

Pour qu’il y ait atteinte au droit à l’image, deux conditions principales doivent être réunies :

  • L’image doit permettre d’identifier la personne, en la distinguant précisément des autres.
  • L’image doit être décontextualisée, utilisée de manière isolée par rapport à son cadre initial.
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C’est le cumul de ces deux critères qui caractérise l’atteinte au droit à l’image. Ainsi, la diffusion de la photographie d’une foule où les individus ne sont pas distinguables ne constitue pas une atteinte, pas plus que la diffusion d’images dans leur contexte d’origine (reportage d’un événement public par exemple).

En revanche, dès lors qu’une personne est reconnaissable et “détournée” de son contexte pour être mise en avant, son droit à l’image est susceptible d’être violé. Peu importe à cet égard que la photo ait été prise dans un lieu public ou privé.

28% des Français disent avoir déjà été victimes d’une atteinte à leur image

Selon un sondage IFOP de 2019, plus d’un Français sur quatre (28%) déclare avoir déjà été victime d’une utilisation abusive de son image. Ce phénomène tend à s’amplifier avec la multiplication des supports numériques et l’usage extensif des smartphones dotés d’appareils photo.

Les femmes et les jeunes sont particulièrement touchés. Sur internet et les réseaux sociaux, le phénomène du “revenge porn”, consistant à diffuser des photos ou vidéos intimes d’un ex-partenaire sans son consentement, connaît une ampleur inquiétante.

Les exceptions au droit à l’image

Malgré son importance, le droit à l’image n’est pas un principe absolu. La loi et la jurisprudence ont prévu certains aménagements et exceptions permettant de concilier ce droit avec d’autres principes fondamentaux.

L’exception d’information légitime du public

Nous l’avons évoqué, l’image d’une personne peut être utilisée sans son consentement si cela présente un intérêt légitime pour le public d’être informé. C’est le cas pour les personnalités politiques, les people, les sportifs, dans le cadre de leur activité publique. Attention cependant, leur image ne peut pas être détournée à des fins commerciales.

L’exception artistique et culturelle

Le droit à l’image ne s’oppose pas à la diffusion d’une œuvre artistique ou culturelle représentant une personne reconnaissable, comme un tableau, une sculpture, une photographie artistique, un film, etc. L’exception artistique prime alors sur le droit à l’image individuel.

L’exception de l’intérêt historique

De même, l’image d’une personne liée à un événement historique peut être reproduite et diffusée à des fins documentaires, sans autorisation. Par exemple, la photographie d’un poilu ou d’un résistant durant la Seconde Guerre mondiale.

Ces exceptions permettent de concilier le respect de la vie privée et le droit à l’image avec la liberté d’expression et le droit à l’information du public.

La protection du droit à l’image dans les lieux publics et privés

La protection du droit à l’image diffère selon que la personne se trouve dans un lieu privé ou public lors de la captation de son image.

Une protection renforcée dans la sphère privée

Dans un lieu privé, que ce soit son domicile ou tout autre endroit non accessible au public (chambre d’hôtel, vestiaires, toilettes, etc.), la protection du droit à l’image est maximale.

Filmer ou photographier une personne à son insu dans un lieu privé est sévèrement réprimé par le Code pénal, avec des peines pouvant aller jusqu’à 1 an de prison et 45 000 euros d’amende (article 226-1). La diffusion de ces images constitue une circonstance aggravante (article 226-2).

Une protection amoindrie sur la voie publique

Sur la voie publique en revanche, tout individu peut être photographié ou filmé sans son accord, à condition que son image ne soit pas ensuite isolée de son contexte et diffusée de manière individuelle. Si tel est le cas, cela constitue alors une atteinte au droit à l’image, y compris dans un lieu public.

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Ainsi, filmer une foule dans la rue est autorisé, mais décider de publier en gros plan le visage d’une personne identifiable issue de cette foule requiert son consentement préalable.

Comment faire respecter son droit à l’image?

Face à une atteinte avérée à votre droit à l’image, il est possible d’agir pour faire cesser cette violation et obtenir réparation. Voici les étapes clés pour faire valoir votre droit à l’image.

1. La mise en demeure

La première étape est d’adresser une mise en demeure à l’auteur de la diffusion non consentie de votre image. Cette lettre recommandée avec accusé de réception doit exiger le retrait immédiat de votre image et la cessation de sa diffusion, sous un certain délai (7 jours par exemple).

2. Le référé pour faire cesser l’atteinte

En l’absence de réaction satisfaisante suite à la mise en demeure, il est possible de saisir le juge des référés pour qu’il ordonne le retrait de votre image sous astreinte financière.

Cette procédure rapide permet l’obtention de mesures provisoires pour faire cesser l’atteinte en attendant un jugement au fond.

3. L’assignation au fond

Parallèlement à la saisine du juge des référés, une action au fond doit être engagée devant le tribunal compétent pour obtenir réparation du préjudice subi. Le juge peut prononcer une amende et octroyer des dommages-intérêts.

Il est recommandé de recourir aux services d’un avocat spécialisé dans ce type de contentieux pour augmenter ses chances d’obtenir gain de cause.

Les recours possibles en cas d’atteinte

Lorsque votre droit à l’image est bafoué, vous disposez de plusieurs types de recours devant les tribunaux.

L’action en référé pour faire cesser l’atteinte

Comme expliqué précédemment, le référé permet d’obtenir rapidement du juge des mesures pour faire retirer votre image illégalement diffusée. Le juge peut prononcer une astreinte financière par jour de retard.

L’action civile en dommages-intérêts

Devant le juge civil, vous pouvez demander réparation du préjudice moral et financier résultant de l’atteinte à votre image. Le juge fixera le montant des dommages et intérêts à verser par la partie adverse.

La saisine du juge pénal

Si l’atteinte à votre image constitue également un délit passible du Code pénal (cas d’une image captée dans un lieu privé par exemple), une plainte pénale peut être déposée. Les peines encourues vont de l’amende à des peines de prison.

Ces différentes actions en justice sont complémentaires et permettent d’obtenir réparation selon les spécificités de chaque situation.

L’évolution du droit à l’image à l’ère du numérique

Avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux, le droit à l’image connaît depuis les années 2000 une évolution et des défis inédits liés aux nouvelles technologies.

Le risque accru d’atteinte à l’image

La facilité de captation des images avec les smartphones et la viralité de leur diffusion sur internet multiplient les risques d’atteinte au droit à l’image. Une photo publiée sur un réseau social échappe rapidement à tout contrôle.

Par ailleurs, le phénomène du deepfake, consistant à intégrer artificiellement le visage d’une personne dans une vidéo truquée, constitue une menace grandissante pour le droit à l’image à l’ère numérique.

Vers une responsabilisation des plateformes en ligne

Face à l’ampleur des atteintes au droit à l’image sur internet, un mouvement de responsabilisation des grandes plateformes numériques émerge progressivement.

Celles-ci sont de plus en plus incitées, notamment par les autorités publiques, à collaborer pour retirer promptement les contenus signalés comme illicites et portant atteinte au droit à l’image.

Les victimes peuvent ainsi obtenir plus facilement le retrait de leur image utilisée sans consentement sur un site web ou un réseau social.

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Le droit à l’oubli numérique

Le droit à l’oubli numérique est une émanation du droit à l’image, qui a émergé face à la diffusion incontrôlable des informations personnelles sur internet.

Un droit récent

Consacré en 2014 par la Cour de justice de l’Union européenne, le droit à l’oubli numérique permet sous conditions d’obtenir le déréférencement de données personnelles obsolètes vous concernant, afin qu’elles n’apparaissent plus dans les résultats des moteurs de recherche.

Ce droit vise à concilier la protection de la vie privée avec la liberté d’expression et le droit à l’information du public.

Conditions d’exercice du droit à l’oubli

Pour exercer votre droit à l’oubli, vous devez démontrer que les données vous concernant indexées par les moteurs de recherche sont obsolètes, ne présentent plus d’intérêt public et vous portent préjudice.

Les moteurs de recherche comme Google étudient alors au cas par cas si le déréférencement se justifie au regard de votre droit au respect de la vie privée et à l’image.

Une procédure spécifique

Concrètement, il faut remplir un formulaire en ligne disponible sur les sites des moteurs de recherche pour demander le déréférencement de résultats de recherche portant atteinte à votre droit à l’image.

Si votre requête est acceptée, les résultats litigieux n’apparaîtront plus lors d’une recherche effectuée à partir de votre nom. Votre droit à l’oubli numérique sera alors effectif.

Comment effacer ses données personnelles des moteurs de recherche?

Maîtriser son e-réputation passe aussi par la capacité à faire retirer ses données personnelles obsolètes ou préjudiciables des résultats des moteurs de recherche.

1. Faire une demande de déréférencement

La première étape est d’utiliser le formulaire en ligne des principaux moteurs de recherche (Google, Bing, etc.) pour demander le déréférencement de pages web comportant des informations vous concernant qui ne sont plus pertinentes ou qui portent atteinte à votre droit à l’image.

2. Contacter les webmasters

Vous pouvez également contacter directement les responsables des sites web référencés pour leur demander de supprimer les pages litigieuses ou les données précises vous concernant.

Une mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception peut s’avérer efficace avant d’entamer un contentieux.

3. Solliciter les hébergeurs

Si les démarches précédentes n’aboutissent pas, une option plus radicale consiste à contacter l’hébergeur du site web et à invoquer vos droits sur vos données personnelles pour demander le retrait du contenu incriminé.

Cette solution ne doit toutefois être envisagée qu’en dernier recours.

Synthèse et conclusion

Le droit à l’image est donc un droit fondamental qui permet à chacun de s’opposer à l’utilisation de son image sans son consentement. Pour y porter atteinte, deux critères sont requis : l’identification de la personne et la décontextualisation de l’image.

Ce droit connaît toutefois des exceptions liées au droit à l’information ou à la création artistique. Sa protection varie aussi selon que l’image soit captée dans un lieu public ou privé.

Face à une atteinte avérée, il est possible d’agir en justice pour faire cesser la diffusion et obtenir réparation. Dans le monde numérique, le droit à l’oubli offre également des perspectives intéressantes pour reprendre le contrôle sur l’utilisation de son image en ligne.

En conclusion, le droit à l’image est un pilier essentiel des droits de la personnalité qu’il convient de maîtriser pour défendre son identité numérique et sa e-réputation.