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La diffamation pour un particulier
A l’origine, l’information était le monopole des médias, de la presse écrite, du journal télévisé. Mais depuis l’émergence d’internet, tout le monde peut donner son avis, informer le public. On critique tel restaurant où l’on a été dîné, ou tel article que l’on a lu. On conseille telle marque plutôt que celle-ci… On écrit sur la toile ce que l’on dirait entre amis, sans vraiment se rendre compte que nos propos peuvent entrainer des conséquences.
Là où le professionnel doit vérifier ses sources, où il a une véritable déontologie, qu’en est-il d’une personne lambda écrivant sur un site, un forum ou un blog ?
Peut-on donner son opinion comme on le fait autour d’un café ou risque-t-on d’être poursuivi pour diffamation ou pour dénigrement ?
Selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation”. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes du discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne referme l’imputation d’aucun fait est une injure.
Toutefois, pour retenir la qualification de diffamation, cinq conditions préalables doivent être retenues.
Les conditions nécessaires pour retenir l’infraction de diffamation
- Dans un premier temps, un reproche doit exister.
Il peut s’agir soit d’une allégation (donner une information plus ou moins douteuse, sans pour autant en prendre la responsabilité), soit d’une imputation (affirmer personnellement un fait).
2. Mais un simple reproche ne suffit pas. Il doit également être relatif à un fait précis et déterminé.
3. De plus, il doit porter atteinte à l’honneur ou à la considération.
L’honneur consiste en l’estime qu’une personne a de soi même. C’est donc une notion relativement subjective. Dès lors, l’auteur des propos diffamatoires peut percevoir ce qu’il a dit comme ne portant pas atteinte à l’honneur de la victime, alors que cette dernière considèrera son honneur bafoué.
Concernant la considération, il s’agit d’une notion sociale, à savoir la façon dont les autres nous perçoivent, l’image que l’on dégage.
4. Ensuite, ce reproche doit être adressé à une ou plusieurs personnes déterminée.
5. Enfin, il doit être exprimé sciemment.
Bien qu’en pratique, l’auteur de la diffamation doit avoir conscience de porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne déterminée, une présomption d’intention existe à son encontre. Il lui appartient donc de démontrer sa bonne foi, son absence d’intention.
Dès que ces cinq éléments sont réunis, l’infraction de diffamation est constituée.
Depuis le 21 juin 2004, avec la loi pour la confiance en l’économie numérique, le législateur a prévu un droit de réponse pour les propos diffamatoires diffusés sur internet.
Ce droit peut être exercé par toute personne nommément désigné, sans avoir à justifier d’un quelconque préjudice.
Toutefois, ce droit de réponse ne peut s’exercer que dans les trois mois suivant la mise en ligne des propos. Enfin, la réponse apportées doit l’être dans les mêmes conditions (mêmes caractères et même place), que les propos diffamatoires.
Il est à noter que le droit de réponse doit obligatoirement être fait sous la forme écrite, et ne peut résulter d’une image, d’une vidéo ou d’un enregistrement audio.
La phase judiciaire
L’assignation en référé
La procédure en référé étant une procédure d’urgence, elle est fortement conseillée afin de faire retirer les propos litigieux dans les plus bref délais, dans l’optique de limiter les préjudices de la diffamation.
Le tribunal saisi pourra ainsi interdire la diffusion des textes diffamatoires, voire interdire toute diffusion ultérieure si un risque sérieux de récidive est démontré.
Le tribunal constant l’existence d’une diffamation peut ordonner la publication de la décision sur la page d’accueil du site sur lequel les propos ont été diffusés et, dans certains cas, dans des journaux régionaux ou nationaux.
Enfin, la partie diffamée peut demander à ce que lui soit alloué une indemnité provisionnelle. Il appartiendra alors au juge des référés d’allouer ou non cette indemnité.
La procédure « normale » de l’action en diffamation
Pour que l’acte introductif d’instance ne soit pas frappé de nullité, il doit clairement désigner les propos diffamatoires reprochés au directeur de la publication du site internet. Il doit également être mentionné qu’il s’agit d’une diffamation et préciser si la personne visée est un particulier, une entreprise… Enfin, l’acte doit viser le texte indiquant la peine encourue.
De plus, en vertu de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la partie civile devra nécessairement prendre un avocat siégeant dans le ressort du tribunal que l’on saisi et une copie de la citation directe devra être signifiée au ministère public.
L’action en diffamation se prescrivant trois mois à compter de la publication des propos litigieux, il est conseillé d’agir le plus tôt possible en faisant appel à un huissier qui constatera lesdits propos.
L’action devra être dirigée contre le directeur de la publication du site internet, à moins que ce dernier ne soit un site personnel. Dans ce cas, l’auteur peut ne pas être identifié sur le site. Il faudra alors s’adresser à l’hébergeur de ce site pour connaître son identité.
Alors que la compétence d’attribution est dévolue au tribunal de grande instance depuis la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, la compétence territoriale peut être dévolue à plusieurs tribunaux. En effet, la victime aura le choix de saisir :
– soit le tribunal du lieu de domicile du défendeur ;
– soit le tribunal du lieu du fait dommageable ;
soit le tribunal du lieu où le dommage a été subi.
En pratique, internet rendant difficile la localisation exacte tant du dommage que du préjudice, la compétence territoriale est étendue à tous les tribunaux de France.